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Sinon j'ai revu GODZILLA: FINAL WARS

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Et c'est toujours un bonheur. Faut que je vous raconte.

En 2001, un réalisateur amateur japonais du nom de  Ryuhei Kitamura décide que si Sam Raimi le fait, pourquoi pas lui. Il hypothèque sa baraque, loue des caméras, appelle un pote dentiste pour bricoler des accessoires, recrute qui veut bien se faire filmer et passe 2 ans à tourner VERSUS, la rencontre improbable entre un manga shonen métaphysique, du chambara à l'ancienne et EVIL DEAD premier du nom.

VERSUS est une véritable réussite bis et déviante, honnête et dont chaque yen est visible à l'écran plusieurs fois, vraiment tout ce qu'on aime dans les séries Z découvertes par hasard en VHS dans un vide-grenier. Le film contient d'ailleurs un des meilleurs rires sardoniques du cinéma*.

La Tohei tombe dessus, pense comme moi et appelle le gamin pour lui dire "dis gamin, faire un nouveau godzilla, t'en penserais quoi ?"

Eh bien Ryuhei Kitamura en pense que GODZILLA: FINAL WARS.

J'imagine que, quand la Tohei met 20 millions de budget sur la table, elle se dit "même avec la moitié d'un blockbuster, le gamin va nous faire un truc qui dépote, il n'a pas l'air de gâcher son argent" mais je pense que face au résultat elle a quand même été surprise. Je crois pas qu'elle s'attendait à avoir quatre, cinq films comprimés en 2h de métrage.

Sérieux, si ce film avait été a. américain et b. à succès, ma main à couper qu'il aurait suivi la kyrielle de films américains à succès transformés en séries TV. L'intrigue du premier acte à elle seule peut couvrir une saison entière de 22 épisodes une main attachée dans le dos.

Jugez plutôt : un célèbre navire de combat volant, le Gotengo, met Godzilla hors-combat, le piégeant dans la glace du pôle nord et annonçant une ère de paix. Durant les 20 années qui suivent sont découverts les Mutants, un génotype humain particulier possédant des pouvoirs psychiques. L'ONU fonde une fondation, comme il se doit dans de pareilles circonstances, pour exploiter ce génotype et préparer l'humanité à la réapparition inévitable des gros monstres méchants. MAIS le président des nations unies meurt dans un accident d'avion ! Et les monstres reviennent ! Et sans leadership, les Mutants et la Force de Défense Terrestre font ce qu'ils peuvent pour limiter les dégâts. Heureusement, hors de nulle part surgissent des alliés extraterrestres pour nous prêter main forte, avec comme preuve de bonne foi : avoir sauvé in extremis le président avant son accident d'avion.

Y'a pas 30 minutes de films qui se sont passés, là. De plus, deux choses : j'ai volontairement passé des intrigues secondaires sous silence, et tout s'est passé à l'écran. Sérieux, même quand c'est la voix off qui raconte, ils mettent l'action en image avec. Même quand y'a du texte qui défile, y'a un truc qui pète en arrière-plan. Et je me suis pas ennuyé une minute, alors que bon, les kaiju eiga généralement quand y'a pas un match de catch à l'écran, je m'emmerde, et là, c'est surtout des gens qui parlent.

Et c'est beau, et c'est du fait main, et ça sait très exactement quel genre de films c'est. Et alors l'esthétique du truc, mes amis. Si vous avez été élevés à BIOMAN c'est bien simple : c'est ça, mais en bien fait.

Bref, ça n'arrête pas. À mi-chemin du métrage, le méchant lâche tous les monstres de la Tohei. TOUS. Enfin, presque, mais ça en fait BEAUCOUP. Et tout le monde se marave. TOUT LE MONDE. Les monstres, les vaisseaux, les soucoupes, les avions de chasse, les aliens, les humains, les mutants, Don Frye, la moustache de Don Frye, tout le monde.

Matez-moi cette pilosité faciale


Et si je vous en reparle, c'est aussi parce que je sors de ENDGAME et qu'à l'époque, ce film était peut-être le cross-over cinématographique le plus ambitieux.

Parce qu'il s'agit des 50 ans du monstre gentil et c'est la maison-mère qui paie.

Du coup on a tout mis dedans, licence Godzilla ou pas. Si la Tohei a les droits du monstre, foutez-le dedans, même juste pour un caméo. Pas que les monstres, d'ailleurs. Des personnages, des situations, des morceaux de lore -- comme disent les jeunes -- merde : même le Gotengo, lèbre navire de combat volant multiusage apparu dans ATRAGON, a droit a plus qu'un caméo, il a carrément son heure de gloire.

Et même architecturalement ça tient. Kitamura sait qu'il a beaucoup de choses à raconter alors sa structure est simple : c'est celle de Roland Emmerich pour INDEPENDENCE DAY, une alternance de moments dramatiques ou comiques entre personnages, de scènes à grand spectacle et de grandes décisions collectives sous tension, si possible avec grand discours. Collez un retournement de scénario entre chaque acte et en voiture Simone.

Ce qui me rappelle : le Godzilla d'Emmerich est dans le film. Pas longtemps mais il y est.

On pourrait dire que c'est copié, et donc de la triche, mais Kitamura assume ses emprunts. MATRIX, X-MEN, STAR WARS, tout ce qui sent un peu la SF et a eu un succès international est référencé. Mais c'est rien comparé à la masse d'idées tarées que Kitamura saupoudre par dessus, comme ce duel en moto où les mecs se mettent des coups de roue arrière, 3 ans avant le désopilant TORQUE.

Et alors ce final. Non vraiment, ce final.

C'est pas un chef d'oeuvre de cinéma dans lequel n'importe quelle personne prise au hasard sera aspirée malgré elle, entendons-nous bien. C'est un goût acquis. Il faut aimer l'outrance, l'approximation technique, une ambition qui emmerde le manque de moyen et la détermination farouche de faire quelque chose de fun malgré tout. Mais dans sa catégorie c'est un indéboulonnable. C'est tous les Godzilla, plus tous les films de SF, plus toutes les idées fumées de Kitamura en fin de soirée, le tout compressé et balancé directement dans votre cervelle pendant deux heures. Et c'est peut-être un des seuls films comparables à ce qu'a tenté ENDGAME, ce qui en fait un jalon critique, techniquement.

Rassemblez vos potes, commandez les pizzas, mettez le son et laissez-vous faire.

* "Qui exprime une moquerie amère, froide et méchante" parce que quand c'est mal fait ça fait pas peur.

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